’ ’, ’
Aucun être humain conscient ne peut soutenir, encore moins applaudir, une quelconque forme de violence. Et lorsqu’elle frappe une femme, dans le cadre sacré du mariage, elle devient une blessure béante, insoutenable, qu’on ne peut ni ignorer, ni banaliser, ni justifier.
Le jour de votre mariage, tout était lumière. Fria, Conakry, et bien au-delà, vibraient au rythme d’un amour célébré par la musique, la complicité et la grâce. Vous nous aviez présenté un couple d’exception, où se mariaient harmonieusement talent, élégance, amour et prestance. Depuis 2013, et avec éclat à partir de 2017, vous avez incarné ce que beaucoup rêvent de vivre : un amour public, artistique, assumé, nourri par une rare alchimie. Vous avez inspiré toute une génération. Vous avez porté haut la culture guinéenne.
Aujourd’hui, ce n’est pas seulement un couple qui vacille, c’est aussi une partie de notre imaginaire collectif, de notre fierté culturelle, qui s’effondre. À vous deux, vous étiez devenus des symboles. De véritables “brandings” vivants de notre culture.
En tant qu’artiste, mais aussi en tant que représentant du secteur culturel, je ressens une grande tristesse. Voir cette situation s’exposer, se déchirer et s’amplifier sur les réseaux sociaux — si elle reflète une réalité profonde et non une mise en scène médiatique — est une blessure pour nous tous. Ce n’est pas seulement une histoire privée : c’est notre art, notre rayonnement, notre crédibilité qui en prennent un coup.
Les conséquences sont déjà là. L’annulation du soutien de l’Ambassade de France au concert ’ ̀ ’ Paris, le report du spectacle prévu au Canada… Ce sont autant d’opportunités perdues pour la culture guinéenne. C’est aussi un pan de la carrière d’un artiste brillant comme Mohamed Kamissoko, alias aujourd’hui replié dans un silence peut-être coupable, qui s’effrite sous nos yeux.
Et j’avoue, oui, j’ai peur. Peur que cette victoire apparente de ma sœur aussi légitime soit-elle dans son combat, ne se transforme en isolement après le concert prévu au Stade Petit Sory. Certes, ce concert sera probablement un succès populaire. Mais après les applaudissements, que restera-t-il ? L’amour et le pardon, parfois, réparent davantage que les confrontations publiques.
Je tiens à rassurer : l’Union Nationale des Artistes et Musiciens de Guinée (UNAMGUI), dirigée par notre doyen Lacrass Cissoko, époux de la célèbre Sayon Camara, ainsi que moi-même, avons tout tenté pour apaiser les tensions et ramener le couple sous un même toit. Hélas, nous avons échoué. Et aujourd’hui, nous portons collectivement la honte de ce triste spectacle numérique qui entache notre dignité commune.
Je n’oublie pas cette partie de l’histoire où j’ai eu l’honneur de voyager avec eux et notre sœur Ibro Gnamet à l’occasion du Festival PANAF en Allemagne. Depuis ce jour, ils ne m’ont jamais appelé autrement que “Koto”, par affection et par respect. Cela me touche profondément. Et aujourd’hui, voir tout cela s’effondrer sur internet me rend tout simplement triste.
À mes sœurs féministes, aux défenseurs des droits et aux soutiens de Djely : que la vérité soit notre boussole. Que notre engagement pour la justice ne devienne pas un instrument de destruction. Ne participons pas à briser des carrières et à enterrer la culture guinéenne sous les décombres d’un conflit intime qui aurait pu, peut-être, connaître une autre issue.
L’amour a été une lumière pour notre culture. Ne laissons pas la haine en devenir l’ombre.